Article paru dans Libération ( 31/01/96 )

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Croisés anti-France Télécom

La future tarification pénaliserait l'internaute. Voire.

Beaucoup d'internautes rêvent d'aimer l'an 2000, mais sans France Télécom. Insurgé contre "la prochaine augmentation des tarifs nocturnes" de l'opérateur, l'un d'entres eux, Tristan Schmurr, a porpulsé une pétition en ligne le 5 janvier pour entraîner les mécontents dans sa croisade. Cible de la hargne de cet étudiant, épaulé par quelques centaines de personnes qui ont déposé leurs contributions sur son site web: les modifications des tarifs téléphoniques de France Télécom annoncés pour 1997. Et en premier lieu, la "simplification" de la grille de réduction, aujourd'hui quadricolore, et qui ne comptera plus que deux couleurs au premier octobre. De 8h à 19h en semaine, tarif plein. Le reste du temps, réduction de 50%. Selon Tristan Schmurr, les internautes se scotchent aujourd'hui massivement à leurs écans après 22h30 pour profiter du tarif bleu nuit et des ses 65% de réduction. Et devraient donc s'apprêter à voir s'envoler de plus de 40%. Sale coup pour le développement de l'Internet en France que cette nouvelle grille? "Cette pétition, c'est une cyberbranlette", selon Jean-Bernard Condat, ex-pirate informatique reconverti dans la légalité et qui se plaint de retrouver son nom dans la pétition sans l'avoir donné. "Les annonces de l'opérateur ont été lues hâtivement" Les insomniaques du Web risquent en effet de souffrir de la réduction nocturne. Mais nombres d'internautes devraient se réjouir de voir la baisse de 50% s'appliquer dès 19h. Surtout si l'on ajoute un autre service annoncé par France Télécom pour 1997: le forfait local et ses 6h de communications par mois à 30F. Or "près de 40% de nos abonnés ne dépassent pas 6heures de connexion par mois" affirme Rafi Haladjian, directeur général du fournisseur d'accès Micronet qui vise le grand public.

Mais les signataires, souvent virulents, n'ont que faire de ces comptes d'apothicaires. Ils fantasment déja sur la libéralisation des télécoms au 1er janvier 1998, censée marquer le début d'une nouvelle ère, une sorte de paradis pour les internautes ou les communications locales seraient facturées au forfait, comme celà se fait aux Etats-unis. "Il y a peu de chances que cela se produise, poursuit Rafi Haladjian. Pour supporter l'augmentation de traffic induite par une telle baisse des coûts, il faudrait investir beaucoup d'argent dans les infrastructures. Aux Etats-Unis, les opérateurs peinent à gérer de longs accès à l'Internet sur le réseau téléphonique, prévu pour des appels vocaux de 3 ou 4 minutes en moyenne." Même Tristan Schmurr, l'initiateur de la pétition, s'est senti tenu de recadrer ses trops enthousiastes signataires dans une version reliftée de sa page web, leur signalant que "les clients particuliers sont purement insignifiants par rapports aux grandes entreprises ". Et que, de ce fait, il est "inutile d'attendre quelque diminution des tarifs pour nous autres, simples contribuables". Une seule certitude pour 1998: la multiplication des services à la tête du client.

Florent Latrive



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